La reliure, un art d'antan menacé d’extinction : point de crise des vocations néanmoins pour nos élèves de seconde option Littérature et société, émerveillés, qui ont visité vendredi 15 décembre l’atelier des artisans charliendins Philippe Jansana et Steve Servaes.
Arrière-boutique d’apothicaire ? Officine d’alchimiste excentrique ? Nulles grenouille en bouteille ou pierre philosophale rouge vermeil sur ces étagères croulant de cuirs odorants et de flacons soigneusement étiquetés, mais un même rêve qu'entretiennent de savants élixirs de colle et vernis : l'immortalité, prolonger à l'envi le destin de manuscrits antédiluviens, aux couvertures polies par les petites mains avides de générations de lecteurs.
Délicate mission pour le relieur que d'accéder alors aux désirs intimes d'une clientèle qui abandonnera là, un beau matin, quelques feuilles volantes dans l'espoir de les voir mariées en un fantasmagorique carnet de voyages, déposera précautionneusement le lendemain un ouvrage familial, à préserver dans l'instant des affres du temps, exigera pourquoi pas, le mois suivant, la restauration fidèle d'un manuel d'époque dans le plus pur style Renaissance.
Dans la besace de l'artisan cependant, des techniques et outils formalisés et inchangés depuis le XVIIème siècle : la cisaille qui taille tranches et couvertures, des cuirs au charme délicieusement suranné pour les parer - parfois réduits à leur fine fleur sur demande auprès du tanneur, du papier marbré, strié, à motifs qui garnit pages de garde et incipit – fruit de la collaboration avec une créatrice locale, de la poudre d'or et différents jeux de police et caractères pour enfin titrer les livres ainsi vêtus, ultime étape dite de la photogravure.
Au terme d'un mois de labeur entrecoupé de temps de séchage entre les différentes interventions, le patient, dépoussiéré, toiletté, est restitué comme neuf à son propriétaire fébrile, presque autant que nos élèves, prudents, quand vient le moment de feuilleter à leur tour ces livres transfigurés par le récit insoupçonné de leur conception, d'une valeur soudain tout aussi estimable que les précieux mots d'auteur qu'ils accueillent et accompagnent. Une valse des sens, d'encre et de papier envoûtante, réconfortante, à l'ère solitaire des écrans blafards et déshumanisants !